Notes 2
Notes (2)
Il arrive que le projet appliqué à la réalisation d’une peinture en cours échoue au profit d’une figure imprévue, venant contrarier celle qui était poursuivie.
Preuve, encore une fois, de la difficulté à s’assurer de prévision dans la conduite du travail.
Dès lors, la question du « que faire » décline une succession d’hypothèses qui ne s’avèrent jamais satisfaisantes, et c’est vers l’observation qu’il convient de se tourner, afin de dégager dans ce qui se refusa, dans l’échec même et ses raisons, l’écart susceptible de déplacer et dynamiser les formes en attente.
S’il m’arrive de dire que je ne sais pas ce que je peins, ce n’est ni par coquetterie ni pour me soustraire à une quelconque question. Je tente d’éclaircir mon travail en commentant mes modes de production, en interrogeant ses formes récurrentes, mes usages de la couleur, cela ne suffit pas et je me rends compte que, face aux peintures, la description est souvent un moyen d’occulter l’essentiel.
Quelque chose me double constamment que je ne parviens pas à saisir, ni à donner un corps. Corps ? Il s’agit bien de cela : mon propre corps, cette part d’ombre et de nuit qui est néanmoins la part majeure de moi-même !
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Je dois toujours me placer en excès, avancer quelque chose en plus pour troubler le programme et son organisation, rendre le point limite dépassable… et le transgresser.
Cette pratique de mise en excès est le véritable objet de mon travail qui, jusqu’à un certain stade de son développement, demeure dans un système de reconnaissance fondé sur la reconduction des modes opératoires, jusqu’à ce qu’une volonté advienne pour altérer les principes fondateurs au profit du trouble et du doute qui le doublent.
Une volonté de troubler à rendre « baroques », par la courbe, l’ondoiement des lignes, les superpositions des couleurs, ses aspects formels les plus évidents.
Une recherche du passage où les fondements dérivent et volent en éclats pour un mouvement générateur du glissement dans le fluide.
C’est la condition d’existence du travail, qui ne peut se suffire à demeurer dans la stricte répétition, avec l’attente hypothétique d’un débordement imputable à sa seule expérience. Expérimenter c’est connaître à l’avance les tenants et s’attendre au résultat. Excéder, c’est changer la donne et déborder la règle.
Octobre 2017